Rendez-vous

Tous les deux ans, en alternance d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, un Rendez-vous international réunit les membres de l’IF et de l’Ecole autour d’un thème fixé lors du RDV précédent.

Avant chaque Rendez-vous, des travaux préparatoires sont diffusés sur la liste de diffusion des membres, et repris sur le site. Les contributions présentées lors du RDV sont reprises dans la Revue Hétérité sous forme électronique.

Chaque Rendez-vous est l’occasion de réunir les assemblées de l’IF et de l’Ecole qui ont pour vocation d’ajuster l’orientation et le fonctionnement à l’expérience faite et à l’évolution des situations.

Les paradoxes du désir

par Marc Strauss

Le fait est connu : le désir ne se satisfait pas si facilement. L’observation nous montre ses tours et détours à la poursuite d’un objet qui s’évanouit à l’instant même de sa saisie. Mais pourquoi tant d’embarras pour une simple affaire de plaisir ?

Freud a reconnu dans la tragédie d’Œdipe l’obstacle à la satisfaction complète du désir : l’aspiration amoureuse qui s’empare d’un organisme immature. La culture avec ses interdits donne sa portée symbolique à cette impossibilité première. Les désirs, dont les objets sont fixés dès l’enfance et ne s’accordent guère entre eux, trouvent ainsi leur régulation dans la Loi. Elle déréalise ces objets et par sa permanence éternise le désir dans son indestructibilité, jusque dans le rêve, comble de l’évanescence, qui le réalise.

Lacan a rapporté cette indestructibilité à la loi du signifiant et montré la place déterminante du langage dans la constitution du désir, déplaçant le paradoxe d’un objet qui perd sa valeur aussitôt possédé à celui d’un désir incompatible avec la parole qui pourtant le soutient.

A côté des ratés du désir, il faut reconnaître ses réussites. Elles prennent rarement l’allure d’une performance et se glissent le plus souvent dans la souffrance du symptôme, satisfaction paradoxale. C’est à ce niveau que peut intervenir la psychanalyse, pour libérer le plaisir dans les champs déjà identifiés par Freud de l’amour et du travail. Une psychanalyse peut permettre au sujet de découvrir qu’il est le metteur en scène d’une vie, la sienne, que sa crainte de n’être qu’une marionnette embrouille. En effet, il n’est jamais une interprétation univoque d’un texte, son sens lui venant du fantasme.

Lacan n’a délibérément pas mentionné l’auteur comme l’horizon idéal d’une psychanalyse. Pourtant le texte inconscient fait et affecte l’être parlant autant que les interprétations qu’il a pu et peut, comme sujet, en donner ; ce texte est même ce que le sujet a de plus réel et par là de plus singulier. Ainsi Lacan, après avoir dégagé avec soin la structure du désir dans son lien à l’Autre symbolique, a tempéré sa promotion au profit d’une interrogation sur la jouissance.

En effet, le symbolique et l’imaginaire qui déterminent le désir et ses voies ne vont pas sans un réel, lequel ne se réduit pas à leur impossible unification. Lalangue, hors-chaîne, révèle là sa présence et sa dimension causale, et conduit à reconsidérer ce qui identifie un parlêtre. Le Nom-du-Père trouvera alors une nouvelle définition, où l’acte de nomination fait signe d’un désir que celui qui le reçoit et l’accepte peut mettre en fonction.

Cette avancée, qui dissocie le désir de toute représentation autorisée, a des conséquences majeures, aussi bien dans la psychanalyse, son expérience et sa transmission, que dans la lecture des phénomènes de l’époque. Nous en sommes encore à l’inventaire de ces conséquences pour la première, en particulier avec la formulation lacanienne de la fin par l’identification au symptôme ; pour autant, l’époque ne nous a pas attendus pour procéder à une telle dissociation, couramment attribuée à un déclin du père, alors que ce déclin porte sur le pouvoir collectivisant des grands signifiants-maîtres qui régissaient la société jusqu’au temps de Freud. Nous pouvons constater que ce changement ne facilite pas la vie des sujets, qui n’ont même plus la ressource de s’opposer à ces idéaux, tant ils ont peu de consistance.

Quelles peuvent être alors les formes du désir que le sujet moderne doit s’inventer, avec leurs impasses que sont autant de symptômes, à l’occasion qualifiés de nouveaux ? Le lien entre le réel du signifiant et l’imaginaire du corps sexué étant distendu voire brisé, la question se répercute jusque dans les liens amoureux, sexuels, familiaux. Dans ce contexte, comment les psychanalystes peuvent-ils soutenir leur désir pour se faire les interlocuteurs des souffrances qui leur font cortège ?

Thèmes

I – Le désir, cette aporie incarnée

Cette expression de Lacan dans « La Direction de la cure » nous indique que le désir, effet du signifiant, ne s’articule pas sans la prise en compte du corps et de la jouissance qui le marque, sur le versant de son manque, castration, comme sur celui de son reste pulsionnel.
Les différentes structures cliniques devraient trouver à s’ordonner à partir de cette relation.

II – Des nouveaux désirs

L’époque contemporaine se caractérise par une offre démultipliée de satisfactions qui semblent dérégulées au regard des signifiants-maîtres qui avaient encore cours du temps de Freud. Quelle est l’incidence de la modernité sur la place du désir dans l’économie subjective, dans son lien avec ce qui prend le masque d’une jouissance folle ?

III – Les noms de désir

Avec la reconsidération par Lacan du signifiant, qui n’est plus cause de la coupure d’avec la jouissance mais qui est en lui-même jouissance, le désir prend une nouvelle dimension, liée au dire. Le désir n’est alors plus désir de reconnaissance, ni uniquement désir de l’Autre, mais prend valeur singulière pour le parlêtre. Le cours d’une analyse, jusqu’à sa fin, demande donc une redéfinition.

IV – Qu’est-ce qu’interpréter le désir ?

Si le désir c’est son interprétation, cette dernière suppose des conditions qui répondent à celles de sa constitution. Le psychanalyste, par le transfert, est donc inséparable de la définition même de l’inconscient, et s’inclut dans la structure du désir. Son désir, pour y intervenir de façon opérante, devrait avoir d’autres coordonnées, qu’il tiendrait de sa propre analyse.