Prélude 18, Marc Strauss

Platitude extrême, ou saillie du réel ?

Ce sujet avait d’abord évoqué son père, homme admirable d’intelligence, mais qui boit plus que de raison : un alcoolique ; il avait ensuite parlé de son aimée, toute aussi admirable d’intelligence, mais qui mange plus que de raison : une boulimique. Invité alors à dire ce que lui-même ferait plus que de raison, il répondit : « Je me masturbe.» Questionné enfin sur la personne qui en juge ainsi, il conclut, quelque peu désemparé : « Ben, moi… »

Il se vérifie là que pour lui comme pour tous, « Je » qui fait et « Je » qui dit ne s’accordent pas toujours en raison, alors même qu’ils sont indissociables… Est-ce là le paradoxe du désir, comme point d’impasse obligé de toutes les hystoires que l’on ne peut que se raconter ? Un paradoxe auquel il vaudrait donc mieux se résigner au bout du compte, pour mieux ruser avec.

Ou bien ce désarroi peut-il faire le départ d’une autre issue de l’analyse, où la cause du désir se reconnaît dans la singularité absolue de sa réalité de déchet ? Si l’effet n’est plus alors de joui-sens, le rapport de l’analysant au désir en est changé. Où cela le mène-t-il ? Par ailleurs, n’y a-t-il pas un autre paradoxe à vouloir occuper soi-même cette place d’analyste-déchet ? A ces questions, Lacan répond par le bienfait d’un changement du statut du savoir, allégé de la part de rire qui lui revient (cf. Télévision, avec le gay sçavoir et « Plus on est de saints, plus on rit… »).

Le thème du Rendez-Vous à venir nous permettra donc d’échanger nos points de vue sur la psychanalyse, qui part de l’analyse des symptômes, ces paradoxes du désir si pénibles à supporter, pour aboutir à fonder en raison le désir du psychanalyste. Nous ajouterons ainsi à la satisfaction que nous libérons chez le sujet en dénouant ses symptômes de la bonne façon, notre plaisir à avancer ensemble dans le développement de cette bonne façon.